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Saisie conservatoire du navire, insolvabilité, faillite : impact du droit européen

Basé sur la décision du 29 juin 2011

  1. Une exigence du droit européen ?
  2. Incertitudes dans la procédure de saisie conservatoire du navire

1) Une exigence du droit européen ?

Selon le Règlement 1346/2000 du 29 mai 2000, les procédures d’insolvabilité ordonnées dans un État membre produisent leurs effets dans tous les autres États membres.
L’article 5 et la circulaire du 17 mars 2003 stipulent que :
« L’ouverture d’une procédure d’insolvabilité n’affecte pas les droits réels des créanciers ou des tiers. »

Le droit réel est, par exemple, défini comme :
« le droit de disposer d’actifs ou de les faire disposer et d’obtenir satisfaction du produit ou des revenus de ces actifs, notamment en vertu d’un gage ou d’une hypothèque »
(Article 5§2.a du Règlement).

L’article 5§3 précise en outre :
« Le droit, inscrit dans un registre public et opposable aux tiers, permettant d’obtenir un droit réel au sens du paragraphe 1, est considéré comme un droit réel. »

Contrairement à ces dispositions, la saisie conservatoire du navire est une mesure préventive visant à empêcher un navire de partir. C’est une forme de détention sans effet juridique direct sur la propriété.
Le droit français confirme cela en précisant : « elle ne porte pas atteinte au droit du propriétaire. »

Logiquement, la saisie conservatoire du navire n’est pas soumise à l’obligation de publication de l’article 5. Publier une telle saisie irait à l’encontre de son objectif en alertant le propriétaire et en encourageant l’évasion,
compromettant ainsi son efficacité. Par conséquent, la saisie conservatoire de navire est totalement incompatible avec toute formalité de publication.

La non-application de l’article 5 est également soutenue par d’autres mesures traitant spécifiquement des navires dans les procédures d’insolvabilité.
Par exemple, l’article 11 du Règlement stipule :
« Les effets de la procédure d’insolvabilité sur les droits du débiteur portant sur un bien immobilier, un navire ou un aéronef soumis à inscription dans un registre public sont régis par la loi de l’État membre sous l’autorité duquel ce registre est tenu. »

Cela explique pourquoi l’article 3 de la Convention internationale sur la saisie conservatoire des navires de mer (1952) ne mentionne pas de formalités de publication. Il indique simplement :
« Un demandeur peut saisir soit le navire auquel la créance maritime se rapporte, soit tout autre navire appartenant à celui qui était, au moment où est née la créance maritime, propriétaire du navire auquel cette créance se rapporte, alors même que le navire saisi est prêt à faire voile. »

Ainsi, le caractère sommaire de la procédure de saisie conservatoire du navire est justifié. Toute formalité serait contraignante et éliminerait l’effet de surprise, qui est essentiel à l’efficacité de la mesure.

2) Incertitudes dans la procédure de saisie conservatoire du navire

Bien que la procédure de saisie conservatoire du navire puisse sembler simple, de nombreuses incertitudes juridiques persistent. Certaines ont été résolues par la jurisprudence, tandis que d’autres restent en suspens en raison du manque de clarté juridique.

a) Saisie en droit maritime vs. Règles générales du droit

Les fondements et fonctions de la saisie conservatoire de navire en droit maritime et en droit civil général sont similaires. Cependant, la nature unique des navires a conduit à leur réglementation par des dispositions légales spécifiques,
comme la Loi du 3 janvier 1967 sur le statut des navires. En France, les articles 29 et 30 de cette loi traitaient des saisies de navires, bien que l’article 29 ait été abrogé par l’article 7 de l’Ordonnance n° 2010-1307 (28 octobre 2010).

En droit international, la Convention de Bruxelles de 1952 prévoit des conditions pour lever une saisie. Elle stipule que la loi du lieu où la saisie a été effectuée régit divers aspects,
et qu’une autorisation judiciaire est requise de l’autorité compétente de l’État de saisie.

La saisie conservatoire du navire sert de garantie immédiate de paiement. La Convention de Bruxelles de 1952 expose les principales règles procédurales, tandis que les questions restantes relèvent du droit maritime français.
Cependant, en raison du manque de coordination entre ces cadres juridiques, les juges rencontrent des difficultés pour traiter les domaines qui ne sont pas clairement abordés par le droit international ou national.

La procédure civile commune de saisie est mal adaptée à la nature distincte des navires, ce qui rend le processus juridiquement complexe.

b) Saisie conservatoire et saisie-exécution

En France, bien que la saisie conservatoire de navire et la saisie-exécution soient des procédures distinctes, la plupart des actions de saisie-exécution commencent par une saisie conservatoire, car il est nécessaire de détenir d’abord le navire.

Dans les systèmes de common law, pour distinguer les deux procédures, différents termes sont utilisés :
« arrest » fait référence à la « saisie conservatoire » française (détention préventive du navire), tandis que « attachment » correspond à la « saisie-exécution ».

Contrairement à la saisie conservatoire du navire, le processus de saisie-exécution est plus complexe et nécessite un titre légal et des garanties pour assurer le transfert de propriété.
À ce titre, il est régi par de nombreuses dispositions et utilisé moins fréquemment.

En conclusion, le manque d’intégration entre les procédures de saisie conservatoire et d’exécution cause une incertitude juridique majeure. Une intervention législative est fortement nécessaire pour clarifier les règles et simplifier le processus.

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