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L’acquisition d’un navire de plaisance en location avec option d’achat

INTRODUCTION

La navigation de plaisance est l’expression d’une liberté. Le navire de plaisance matérialise cette liberté.

Conçu comme un bien de travail ou un loisir réservé à quelques privilégiés, le navire est au fil des années devenues un bien de consommation. La navigation de plaisance s’est largement démocratisée. L’acquisition d’un navire de plaisance manifeste la concrétisation d’un rêve pour tous les Hommes épris de la mer.

Le navire de plaisance a la particularité de revêtir une double qualité, c’est à la fois un objet de consommation, mais également un bien meuble corporel répondant à un régime juridique particulier.

Afin d’encourager le développement de l’industrie de la plaisance, le législateur avait mis en place un système d’incitation fiscale encourageant le financement de navires en crédit bail. En effet, l’achat du navire est imposé selon le droit commun au taux de TVA en vigueur mais les loyers (y compris le premier, l’apport) bénéficient d’un régime dérogatoire.

L’article 172 de l’annexe II du Code général des impôts permet d’appliquer une réfaction de 50% sur le taux de TVA des loyers.

Le BOI N° 15 du 24 JANVIER 2005 [BOI 3A-1-05 ] dispose : « L’évaluation du temps passé en dehors des eaux territoriales communautaires (lorsque le loueur est établi en France) ou en dehors des eaux territoriales françaises (lorsque le loueur est établi en pays tiers) par rapport au temps total de location du navire de plaisance doit être faite par le redevable sous sa responsabilité et sous réserve du droit de contrôle du service. Cette évaluation, qui peut résulter notamment des termes du contrat de location, doit être corroborée par tous moyens de preuve.

Cependant, il est admis que les loueurs qui éprouvent des difficultés à effectuer cette évaluation déterminent forfaitairement le temps passé en dehors des eaux territoriales communautaires ou françaises par l’application d’une réfaction de 50 % au temps total de location, quelle que soit la catégorie du navire de plaisance concerné. »

Dans les faits pour le locataire, cela revient à acheter le bateau avec une TVA réduite de 50%, puisque la TVA à taux normal sur l’achat est payée par la banque et que celle que paye le locataire par le biais des loyers est réduite de 50%.

L’intérêt de ce montage est de bénéficier d’une TVA réduite sur les loyers, qui s’élève à 10% au lieu de 20%. Le locataire paie le coût de son crédit et une TVA réduite. Plutôt que d’acheter son navire en le payant comptant, avec une TVA à 20%, la location avec option d’achat présentait l’avantage de lisser dans le temps des loyers avec un taux de TVA préférentiel.

En raison de cet avantage fiscal, l’immense majorité de la flotte française de navire de plaisance est financé en location avec option d’achat. Dans le cadre d’une location avec option d’achat, le navire appartient à l’organisme de leasing. Le locataire ne le rentre ainsi pas dans son patrimoine, ce qui est toujours utile notamment pour les personnes soumises à l’ISF.

La location avec option d’achat s’est imposée comme un mode de financement incontournable des navires de plaisance.

Cet avantage fiscal semble aujourd’hui remis en cause à l’initiative de la commission européenne.

L’abattement forfaitaire de TVA qui s’applique pour la navigation hors des eaux territoriales de l’Union européenne est remis en cause.

Cette mesure a été mise en place il y a plus de 20 ans en France, comme un moyen de soutenir la filière nautique via un montage qui est tout à fait clair vis à vis du fisc : plutôt que de subventionner des chantiers, elle a consisté à soutenir l’acquisition de navire.

Chaque chantier naval de renom bénéficie d’un partenariat privilégié avec un organisme de financement. Pour n’en citer qu’un, le groupe JEANNEAU BENETEAU s’associe à la filiale de la société générale SGB FINANCE pour le financement de ses navires. Cet organisme de financement finance à lui seul chaque année environ 3.000 navires de plaisance.

Le crédit-bail est destiné à financer l’acquisition du navire, en ouvrant une option au créditpreneur à l’issue de la durée du contrat. La location avec option d’achat est traditionnellement présentée comme une opération à trois parties dans laquelle s’enchevêtre un contrat de financement, un contrat de location et un contrat de vente. C’est une combinaison entre d’une part d’une location de biens, et d’autre part d’une promesse de vente faite par le crédit-bailleur au crédit-preneur.

A l’issue de la durée fixée dans la proposition de crédit-bail, le crédit preneur peut soit acheter le bien pour sa valeur résiduelle, soit en demander le renouvellement avec un loyer plus faible, soit mettre un terme à l’opération de crédit-bail, en restituant le bien.

Juridiquement, le contrat de location avec option d’achat reproduit les règles juridiques applicables au contrat de crédit-bail.

Cependant, le crédit-bail répond à une définition précise donnée par le code monétaire et financier. A contrario, toutes les opérations qui ne correspondent pas exactement à ladite définition sont soumises à un régime particulier. Tel est le cas lorsque l’opération porte sur un navire de plaisance.

Dans ce cas, le crédit-bail sera soumis aux dispositions du Code de la consommation relatives au crédit à la consommation. L’article L.311-2 du Code de la consommation soumet ainsi au régime du crédit à la consommation les opérations de location avec option d’achat. La location avec option d’achat se révèle un instrument financier très protecteur du « plaisancier consommateur ».

Le champ d’application est nécessairement restreint et lesdits textes ne concernent que les personnes physiques et les biens de moins de 75.000 EUROS sans aucun rapport avec une activité professionnelle.

Une telle opération présente également un intérêt pour le crédit-bailleur. En effet, le crédit-bail demeure intéressant puisqu’il s’agit d’une opération de crédit convenue à des taux intéressant. En outre, la location avec option d’achat présente l’avantage d’assurer une couverture des risques pour l’établissement financier qui dispose d’une garantie de premier rang, voir hors rang : le navire dont elle conserve la propriété.

Le financement d’un navire en location avec option d’achat se trouve ainsi enfermé par l’application de règles dérogatoires au droit commun. D’une part, les règles singulières du droit maritime et d’autre part les dispositions impératives du Code de la consommation. L’établissement financier procède à l’acquisition d’un navire à un chantier naval pour le louer ensuite à l’utilisateur effectif. L’acquisition du navire trouve ainsi sa cause dans l’offre de location avec option d’achat qui sera consentie au profit de l’utilisateur effectif du navire. Dans la pratique, le rôle du bailleur se limite à verser au fournisseur le prix d’achat du navire. C’est l’utilisateur, locataire, qui exerce les principales prérogatives dévolues à la qualité de propriétaire du navire.

Cet instrument de financement largement plébiscité par l’industrie nautique française pose diverses questions d’ordre juridique. « A la suite de la loi du 11 juillet 1986, dite loi « Pons », de nombreux contrats de crédit-bail de navire ont été conclus. Après une certaine période d’euphorie, vient l’heure des comptes et peut-être aussi des contentieux. »

En effet, la pratique de cet instrument financier utilisé dans la sphère maritime sur un bien meuble corporel aussi particulier que le navire pose indéniablement de nombreuses problématiques juridiques. Toute la particularité de ce montage financier réside dans la dissociation de la qualité de propriétaire et celle d’armateur.

A l’instar du contrat d’affrètement visé à l’article L.5423-8 du Code des transports, le contrat de crédit-bail de navire entraine un transfert de l’usage de la chose. Comme il était précédemment rappelé, c’est le locataire du navire qui en est son utilisateur exclusif. Dans un article publié dans le droit maritime français, le Professeur Gaël PIETTE Professeur à l’Université de Bordeaux, comparait ainsi le crédit-bail au contrat d’affrètement coque-nue. La dualité entre propriétaire et utilisateur caractérise ces deux types de contrat.

Le crédit-bail constitue ainsi une situation dans laquelle l’armateur n’est pas le propriétaire. Selon les dispositions de l’article L.5411-2 alinéa 1 du Code des transports, le propriétaire d’un navire est présumé armateur. Or, pour un navire financé en crédit-bail l’organisme financier dispose de la qualité de propriétaire inscrit. Le locataire revêt la qualité d’armateur.

Le crédit-bail présente des points communs avec le contrat d’affrètement coque-nue. En effet, les contrats de LOA portent sur une durée généralement longue entre 3 et 12 ans, l’affréteur et le crédit-preneur sont tenus de payer à leur cocontractant des loyers, et se voient transférer, par l’effet du contrat, la qualité d’armateur.

Ressemblant dans leurs effets, c’est la finalité de l’opération qui permet de nuancer crédit-bail et affrètement coque-nue.

En effet, la location avec option d’achat est destinée à financer l’acquisition d’un navire. A l’issue de l’opération, le locataire a la faculté de lever l’option et de racheter le navire à sa valeur résiduelle, de solliciter le renouvellement du crédit-bail avec un loyer plus faible ou enfin de mettre un terme à l’opération et de restituer le navire.

Les similitudes étant si frappantes que certains auteurs n’hésitaient pas à qualifier l’affrètement coque-nue assorti d’une promesse de vente d’alternative au contrat de crédit-bail. En effet, ils soulignaient que l’organisme financier a pour seule fonction de financer le navire. Le crédit bailleur ne participe pas à l’armement du navire.

L’organisme financier, désintéressé de la gestion du navire, se préoccupe principalement du paiement des loyers par le crédit-preneur. L’étude des contrats pratiqués par les principales banques françaises permet de constater que les contrats types s’inspirent du modèle type d’offre préalable de location avec promesse de vente en annexe du décret n°78-509 du 24 mars 1978 pris pour l’application des articles 5 et 12 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 relative à l’information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit.

Or, ce contrat est destiné au financement par location avec option d’achat de l’ensemble des biens de consommation (voiture, moto…). Bien que répondant à cette définition, le navire est un bien particulier. Le navire ne fait l’objet d’aucune définition légale. Pourtant l’ensemble des praticiens du droit maritime s’accorde pour lui conférer une nature juridique singulière à l’instar des règles qui s’y attachent.

En tout état de cause, un contrat de location avec option d’achat portant sur un véhicule terrestre à moteur ne rencontrera pas les mêmes difficultés que celui portant sur un navire de plaisance.

L’étude des différents contrat de location avec option d’achat révèle la disparité qu’il existe entre les différents contrats de LOA. On regrettera certainement que certains établissements financiers pratiquent des contrats types non adaptés au financement de navire.

Le trait commun de l’absence des contrats c’est le désintéressement total de l’organisme de financement à la gestion du navire.

Ainsi, au stade préliminaire du choix du navire, les contrats types de location avec option d’achat stipulent « le locataire reconnaît avoir choisi librement sous sa responsabilité le vendeur et le bien dont il a défini les caractéristiques techniques et le délai de livraison, sans la participation du bailleur».

La location avec option d’achat induit ainsi une dissociation de la qualité de propriétaire et celle d’armateur. C’est toute la problématique juridique de ce mode de financement.

Le dualisme de règles applicables se retrouve dans les effets de la location avec option d’achat entre les parties (Titre 1). La particularité du contrat de location avec option d’achat portant sur un navire se retrouve également dans les effets dudit contrat à l’égard des tiers (Titre 2).

Titre 1 : Les effets de la location avec option d’achat entre les parties

Le contrat de LOA est enserré entre des règles singulières et contraignantes. La particularité du navire et des règles qui s’y attachent imposent le respect de nouvelles obligations dés la formation du contrat (Chapitre 1) et dans les obligations entre les parties (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Le formalisme dans le contrat de crédit-bail

La formation du contrat de LOA est soumis à des obligation sissues au droit maritime (1.1.) et au droit de la consommation (1.2.).

1.1. L’exigence d’un acte de vente entre le chantier naval et l’établissement financier.

L’opération de crédit-bail destinée à financer un navire doit s’entendre comme un groupe de contrats interdépendants.

Un contrat de construction-vente de navire est conclu entre l’établissement financier et le chantier naval et un contrat de location avec option d’achat est conclu entre l’établissement financier et le plaisancier.

En effet, le crédit-bailleur ne doit pas oublier sa double qualité : Oganisme de financement et propriétaire de navire.

Le transfert de propriété d’un navire est soumis au contrôle de l’administration des douanes par l’intermédiaire de la procédure de francisation. L’article 2 de la loi du 3 janvier 1967 définissait la francisation comme la formalité qui confère au navire le droit de porter le pavillon de la République française avec les droits qui s’y attachent.

L’acte de francisation d’un navire financé selon une location avec option d’achat désigne le crédit-bailleur en qualité de propriétaire. Au regard de l’administration des douanes et des affaires maritimes, l’ensemble des demandes de francisation et d’immatriculation doivent être effectuées par le crédit-bailleur.

Dans la pratique, le crédit-bailleur accorde des pouvoirs au locataire pour réaliser en son nom les formalités de francisation et d’immatriculation.

Les bureaux de douanes chargés de procéder à la francisation exigeront lors d’une francisation d’un navire acquis en LOA l’original du contrat de financement ainsi qu’un pouvoir de l’organisme de financement pour procéder à l’immatriculation du navire.

La jurisprudence considère « qu’en l’absence d’acte de francisation à son bord, le locataire du navire ne peut l’exploiter, ni l’utiliser. Le vendeur à l’obligation d’accomplir les formalités de mutation. A défaut, le vendeur est réputé demeurer propriétaire à l’égard des tiers au regard desquels la vente est inopposable ».

La Haute juridiction judiciaire rappelle par cet arrêt l’obligation pour un navire qui souhaite arborer « le pavillon de la République Française » d’être en possession d’un acte de francisation. La Cour d’appel de Rouen avait constaté dans l’arrêt rapporté que le transfert de propriété était intervenu entre le vendeur et la société de crédit-bail. Par conséquent, le crédit bailleur avait l’obligation de remettre au locataire l’acte de francisation du navire.

La jurisprudence sanctionne ce défaut de remise de l’acte de francisation par la résiliation du contrat de location. En outre, au visa de l’article 1184 du Code civil, l’inexécution matérielle du crédit bailleur est sanctionnée par des dommages-intérêts.

Il s’agit d’un préjudice de jouissance puisque le navire n’avait pu être exploité sans acte de francisation. Le quantum est alors calculé par comparaison aux prix de location d’un navire similaire.

Les contrats type de location avec option d’achat stipulent : « L’acte de francisation et le titre de navigation, de même que l’immatriculation du navire sont établis au nom du bailleur. Le locataire s’engage à faire parvenir, sous peine de résiliation du contrat des enregistrements auprés du bureau des affaires maritimes concerné au plus tard un mois à compter de la réception du navire, la photocopie desdits documents et à communiquer au bailleur le numéro d’immatriculation. »

C’est aussi à ce titre que l’acte de francisation désigne expressément le locataire du navire et le propriétaire.

En tout état de cause, en sa qualité de propriétaire du navire le crédit-bailleur doit-être en mesure de justifier de la propriété du navire.

Le crédit-bailleur doit d’une part remettre au locataire l’ensemble des documents afférents à la navigation du navire. Le bailleur demeure soumis à cette obligation en sa qualité de propriétaire.

C’est également en raison de cette qualité qu’il doit justifier de la propriété du navire en produisant un écrit conforme aux exigences de l’article L.5114-1 du Code des transports. L’article L.5114-1 du Code des transports reproduisant in extenso l’article 10 de la loi du 3 janvier 1967 dispose « tout acte constitutif, translatif ou extinctif de la propriété ou de tout autre droit réel sur un navire francisé est, à peine de nullité, constaté par écrit.
L’acte comporte les mentions propres à l’identification des parties intéressées et du navire. »

Ledit écrit doit en outre respecter le formalisme imposé par l’article 231 du Code des douanes et contenir, le nom et la désignation du navire, la date et le numéro de l’acte de francisation, la copie in extenso des extraits dudit acte relatifs au port d’attache, à l’immatriculation, au tonnage, à l’identité, à la construction et à l’âge du navire.

La jurisprudence a ainsi prononcé la nullité absolue d’une opération de crédit-bail portant sur un navire de plaisance dès lors que le crédit bailleur n’était pas en mesure de produire un contrat écrit justifiant de son droit de propriété conformément aux exigences de l’art. 10 de la loi du 3 janvier 1967 (Article L. L5114-1 du Code des transports).

Le crédit-bailleur est propriétaire du navire. L’ensemble de ses garanties et du droit de jouissance consenti au crédit-preneur reposent sur la propriété du bien formant l’objet et la cause de l’opération.

Par conséquent, l’organisme financier doit justifier d’un droit de propriété et produire ainsi l’écrit requis.

La jurisprudence ne fait pas preuve d’une grande rigueur et considère qu’un bon de commande peut suffire à justifier de la propriété du navire.

En revanche, dès que la Banque n’est pas en mesure de justifier d’un tel écrit, c’est la nullité du contrat de location avec option d’achat qui est encourue comprenant la restitution du navire au crédit-bailleur et la restitution des loyers versés.

Ladite solution paraissait justifié dans la mesure ou le contrat de construction était considéré à part comme relevant de l’article 5 de la loi de 1967 qui, selon le Professeur RODIERE n’exige un écrit qu’à des fins probatoires.

Le contrat de construction de navire emporte pourtant transfert de propriété et devrait ainsi obéir aux règles édictées par l’article 10 de la loi de 1967.

Le contrat de crédit-bail conclu en l’espèce entre Loxxia Bail et la société Onyx échappe aux prescriptions de l’article 10 dans la mesure où il n’a vocation à transférer la propriété à l’utilisateur seulement aux termes de l’opération.

Dans cette opération contractuelle, le transfert de propriété n’est qu’une éventualité. Le locataire est libre de lever ou de ne pas lever l’option qui le rendra propriétaire.

Le locataire n’est titulaire d’un droit personnel à l’encontre du promettant sans pouvoir revendiquer de droit réel sur le navire.

En tout état de cause, le contrat liant le fabricant et le crédit-bailleur obéit incontestablement à l’article 10. « Le crédit-bailleur est un propriétaire, ses garanties reposent sur la propriété du bien formant l’objet de l’opération : il doit donc justifier d’un droit de propriété et produire ainsi l’écrit requis ».

Dès lors que le crédit-bailleur n’est pas en mesure de justifier de la propriété du navire, la nullité de l’opération serait encourue. Bien curieusement, la Cour de cassation prononce la nullité absolue du contrat de location avec option d’achat sans remettre en cause les contrats afférents à la LOA. En effet, la nullité du contrat de LOA privait de cause l’ensemble des autres contrats, savoir, le mandat confié au locataire de choisir le navire et le contrat de cautionnement. Le locataire demeurait alors tenu de restituer le navire. Ladite restitution demeurait également couverte par le contrat de cautionnement.

La facture de vente du navire adressée par le chantier naval doit être adressée au crédit-bailleur. La jurisprudence rappelle ainsi que c’est le propriétaire qui doit passer commande du navire et obtenir un acte de vente du chantier naval.

Pourtant, les contrats de location avec option d’achat stipulent :

« Le locataire reconnaît avoir librement choisi sous sa responsabilité le vendeur et le bien dont il a défini les caractéristiques techniques et le délai de livraison, sans la participation du bailleur15 » (Annexe 3 – Contrat de location avec option d’achat Atlantique bail). « Le locataire choisit sous son entière responsabilité, le navire désigné dans ses caractéristiques et aux conditions particulières, auprès du fournisseur de son choix et détermine avec ce fournisseur le prix, les conditions de livraison et de règlement. Sauf dispositions contraires, il en passe commande, sous condition suspensive de l’acceptation du dossier par le bailleur. La livraison du navire intervient aux frais et risques du locataire ».

En tout état de cause, c’est selon la technique juridique du mandat que le locataire effectue le choix de son navire. En effet, le crédit-bailleur donne mandat au locataire pour effectuer en son nom et pour son compte une commande de navire répondant à des critères définis par le locataire. Les modèles de contrat pratiqués par la banque Capitole Finance illustrent parfaitement le rôle du crédit-bailleur et du locataire dans le choix du navire.

« Le locataire choisit la marque, le type ainsi que les spécifications particulières du bateau pris en location. Après signature du contrat et obtention des garanties dont il a pu être assorti, Capitole finance passera commande du bateau auprès du Fournisseur désigné par le locataire ».

La rédaction de cette clause est parfaitement conforme à la position de la jurisprudence. Le bon de commande et la facture du navire doivent être établis au nom du bailleur.

Outre le respect de ces règles issues du droit maritime et de la particularité juridique attachée au navire. La formation d’un contrat de location avec option d’achat demeure également soumise aux dispositions impératives du droit de la consommation.

Au stade de la formation le contrat de location avec option d’achat de navire est entouré de règles juridiques dérogatoires, le droit maritime d’une part et le droit de la consommation d’autre part.

1.2. Le respect du formalisme du Code de la consommation

Dès lors que le contrat de crédit-bail est conclu entre un organisme financier et une personne physique, l’opération est soumise aux dispositions impératives du Code de la consommation. Selon l’expression consacrée par Robert REZENTHEL, « la pratique de la navigation de plaisance est l’expression d’une liberté qui, pour être effective, doit être protégée ». Le droit de la consommation participe de cette protection.

L’application du droit de la consommation peut ainsi être écartée lorsque le contrat de location avec option d’achat est conclu avec une personne morale, lorsque le montant de l’opération excède 75.000 EUROS ou encore lorsque le navire est soumis à une exploitation professionnelle.

Dans ce dernier cas, l’offre de location avec option d’achat stipule :

« En application des articles L.311-1 et suivants du Code de la consommation, la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE fait une offre de location avec option d’achat à l’acquisition d’un bateau particulier. Si le bateau est destiné à un usage professionnel ou si le montant est supérieur à 75.000 EUROS, il sera fait application des conditions spécifiques ».

Le prix de la plupart des navires de plaisance dépasse le seuil de 75.000 EUROS. Les contrats de location avec option d’achat stipulent alors des conditions spécifiques.

Dans cette hypothèse, le locataire ne disposera pas de la faculté de rétractation de 14 jours, et le montant de l’indemnité qui peut être exigée par le Bailleur en cas de défaillance de la part du Locataire sera modifié.

La compétence juridictionnelle pour connaitre des différents entre le locataire et le bailleur s’en trouvera également modifié.

Nonobstant cette exception, le dispositif de protection du « plaisancier consommateur » se matérialise par une obligation d’information précontractuelle renforcée. Le bailleur supporte cette obligation d’information et doit joindre à son offre de location avec option d’achat un corpus de documents nécessaires fournissant au locataire des renseignements sur l’opération envisagée. Le crédit à la consommation est lourdement encadré par un dispositif juridique contraignant pour les établissements financiers. Dans l’ensemble des offres de location avec option d’achat, le bailleur doit obligatoirement mentionner les informations suivantes :

  • L’identité du prêteur ;
  • La nature, l’objet et la durée de l’opération proposée ;
  • Le coût total du crédit ainsi que le taux effectif global s’il y a lieu. En l’occurrence, les locations avec option d’achat ne comportent de TEG. Cette mention n’est donc pas exigée à peine de nullité ;
  • Le montant des remboursements par échéance ;
  • Le nombre des échéances.

L’offre de location avec option d’achat est ainsi assortie d’une formulaire d’adhésion à une assurance facultative, d’un formulaire de rétractation, d’un relevé d’échéance, d’une fiche d’information précontractuelle européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs (Annexe 6).

Le contrat est valablement formé lorsque ladite offre de location avec option d’achat est retournée au bailleur dûment remplie et signée.

Conformément aux dispositions de l’article L.311-2 du Code de la consommation, le locataire dispose de la faculté de se rétracter dans un délai de 14 jours calendaires à compter du jour de son acceptation. Dans l’hypothèse d’une pluralité de locataires, la rétractation de l’un emporte automatiquement l’annulation du contrat à l’égard des autres.

Lorsque le locataire exige la livraison immédiate du navire, le délai de rétractation expire à la date de livraison effective du bien, sans pouvoir ni excéder 14 jours, ni être inférieur à 3 jours à compter de l’acceptation de l’offre de location avec option d’achat.

La question rapidement posée en jurisprudence portait sur l’extension de l’obligation d’information aux cautions solidaires du locataire. En effet, bien que disposant d’une garantie « hors-rang » savoir, la propriété du navire, les bailleurs exigent parfois des garanties supplémentaires parmi lesquelles figure le contrat de caution solidaire. Dans un arrêt du 28 janvier 201422, la Cour de cassation a jugé que l’obligation d’information qui pèse sur le bailleur ne s’étend pas aux cautions solidaires.

En l’espèce, un contrat de location avec option d’achat d’un navire avait été conclu entre une banque et une société. Les associés se sont rendus cautions solidaires des engagements de la société qui a vendu le navire à un tiers. À la suite d’impayés de loyers, la banque a mis la société et les cautions en demeure d’honorer leurs engagements puis résilié le contrat. Le produit de la vente ayant été dissipé et la société mise en liquidation, la banque a assigné deux des cautions en paiement qui, à titre reconventionnel, ont cherché sa responsabilité.

Les cautions, qui reprochaient à la banque de ne pas avoir respecté son obligation d’information annuelle figurant dans l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, ont été déboutées par la cour d’appel de leur action en responsabilité contre la banque et condamnées solidairement à lui payer une certaine somme.

La chambre commerciale de la Cour de cassation rejette leur pourvoi en affirmant que « les dispositions de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier ne sont pas applicables à la caution du locataire avec option d’achat, qui s’acquitte de loyers ».

Chapitre 2 – L’obligation des parties dans la location avec option d’achat

L’utilisateur du navire revêt la double qualité d’armateur du navire (2.1.) et de locataire (2.2.) emportant ainsi des obligations vis à vis du propriétaire bailleur.

2.1. Les obligations du crédit preneur en qualité d’armateur

Il est de jurisprudence constante que le locataire est considéré comme l’armateur du navire. La lecture des contrats de location avec option d’achat permet également de s’en convaincre. Symptomatique du transfert de la qualité d’armateur du propriétaire inscrit au locataire, les contrats de LOA stipulent une obligation d’assurance qui pèse sur le locataire.

C’est le locataire qui doit se prémunir contre les risques de mer. Les contrats types stipulent :

« A Compter de la date de signature du procès-verbal de livraison-réception, le Locataire est tenu de souscrire et de maintenir pour toute la durée de la location auprès d’une compagnie d’assurances notoirement solvable et agréée par le Bailleur une police d’assurance couvrant sa responsabilité civile illimitée et tous les dommages subis et les risques courus par le bien à concurrence de sa valeur vénale. Pour la part non couverte des risques, le Locataire est considéré comme étant son propre assureur à l’égard du Bailleur. La police d’assurance doit mentionner explicitement la qualité de propriétaire du bailleur et indiquer que toutes les indemnités lui seront versées en qualité de bénéficiaire exclusif. Le locataire adressera une attestation d’assurance avant la mise en circulation ou la mise en service du navire ».

Il est regrettable de constater que certains établissements financiers se contentent de reproduire in extenso le contrat type de location avec promesse de vente issue du décret n°78-509 sans s’attacher au particularisme du droit maritime.

L’article 1er de la loi du 3 janvier 1969 définit l’armateur comme « celui qui exploite le navire en son nom, qu’il en soit ou non propriétaire ». Au regard de cette définition, le crédit preneur peut tout à fait revêtir la qualité d’armateur.

Dans un arrêt en date du 3 juillet 201424, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la détermination de l’armateur dans un contrat de crédit-bail de navire.

Les faits de l’espèce peuvent se résumer ainsi. Un contrat de crédit-bail avait été conclu sur le navire « The One ».

Le crédit-preneur, avait décidé de confier la gestion technique du navire à une société tierce, qui avait notamment signé les contrats de travail de l’équipage et du capitaine. Le crédit-preneur avait commandé à la société défenderesse divers équipements installés sur le navire pour un montant de 190 661,34 euros.

Le crédit preneur avait réglé deux acomptes, or un solde demeurait impayé. Le fournisseur de l’équipement diligentait alors une requête en saisie conservatoire de navire. Ladite saisie était autorisée par le Président du Tribunal de commerce de Nice et du Tribunal de première instance de Monaco.

La société créancière assignait ensuite le crédit-bailleur du navire, en paiement des sommes restant dues. Le Tribunal de commerce de Nice accédait à cette demande. Par deux jugements, des 21 septembre 2006 et 24 mai 2007, les juges consulaires condamnaient au paiement le créditbailleur. Le jugement retenait également la prescription de l’action du fournisseur contre le crédit-preneur.

Ces jugements ayant été confirmés par deux arrêts de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, le crédit-bailleur intentait un pourvoi en cassation.

L’arrêt rendu sur renvoi par la Cour de Paris apporte se prononce donc sur la qualité d’armateur en présence d’un crédit bail.

La Cour d’appel de Paris se prononce d’une part sur la détermination de la qualité d’armateur et d’autre part sur l’opposabilité de cette qualité.

La Cour affirme que « si seules les conditions particulières du contrat de crédit-bail sont produites et non celui-ci dans son intégralité, celles-ci, quand bien même elles ne qualifient pas la société ATR (soit le crédit-preneur) d’armateur, font expressément référence à sa qualité d’utilisateur ; qu’il s’en déduit que les deux parties ont bien convenu que la qualité d’armateur c’est-à-dire d’exploitant du navire était transférée à la société ATR ».

C’est le crédit-preneur qui doit être considéré comme l’armateur du navire. La conclusion d’un contrat de crédit bail opère donc transfert de la qualité d’armateur.

En cette qualité, le Locataire conserve la charge de l’entretien du navire. Les contrats de location avec option d’achat stipulent alors des clauses dans ce sens.

« Le locataire demeure gardien exclusif responsable de tous risques résultant de l’utilisation du bateau, en application des termes de l’article 1384 du Code civil. En aucun cas, la responsabilité du Bailleur ne peut être substituée à celle du Locataire ni même être recherchée. Le locataire doit maintenir le bien en parfait état de marche conformément aux impératifs techniques fixés par le constructeur. »

L’utilisation d’un navire financé en location avec option d’achat soulève incontestablement la question de la propriété des équipements incorporés à bord du navire au cours du contrat. Cette problématique est généralement réglée par les contrats stipulant des clauses du type :

« Toutes les pièces remplacées ou équipements incorporés au bateau deviennent de plein droit la propriété du bailleur qui ne devra de ce fait, aucune restitution, compensation ou indemnité au profit du locataire. L’adjonction de toutes pièces ou éléments ne doit en aucune façon nuire aux caractéristiques, notamment techniques du bateau, ceux-ci devant pouvoir être désinstallés lors de la restitution du bateau, si le bailleur y a convenance. Le locataire pourra reprendre, à ses frais, les adjonctions et les améliorations apportées au bateau, dans l’hypothèse où l’option d’achat ne serait pas levée, sous réserve que cela n’affecte pas l’état du bateau devant être restitué au bailleur » ;

La question juridique de la propriété des accessoires du navire se pose à la résiliation du contrat de crédit-bail lors de la vente du bâtiment, de ses agrès, apparaux et accessoires. Dans un arrêt en date du 8 mars 2005, la Cour de cassation se prononçait ainsi sur la validité des clauses attribuant la propriété des accessoires au bailleur.

Le locataire rappelait alors qu’il s’était lui-même rendu propriétaire de ses accessoires et initiait une action en responsabilité à l’encontre du crédit-bailleur pour avoir diligenté une saisie sur les biens d’autrui.

La Cour de cassation considère alors au regard des stipulations contractuelles que les accessoires deviennent la propriété du bailleur, immédiatement, de plein droit et sans indemnités. Par conséquent, la vente initiée par le crédit bailleur consécutivement à la résiliation du contrat de crédit-bail est parfaitement légitime et ne saurait fonder une quelconque responsabilité. La clause d’accession de propriété des accessoires de navires était rédigée dans les termes suivants :

« Toutes pièces, accastillage, instrument de navigation, aides radio-électriques, équipements de sécurité et accessoires incorporés au bateau en cours de location deviennent, sauf autorisation expresse accordée par le bailleur, immédiatement et de plein droit la propriété du bailleur, sans qu’aucun remboursement ou indemnité ne puisse lui être réclamés ».

Monsieur Philippe DELEBECQUE observait que ladite clause était tenue pour valable in extenso. En effet, cette clause opérait un transfert immédiat de la propriété et non au moment de la restitution du navire. Ce transfert se réalise de plein droit sans formalité particulière et sans réitération du consentement. Enfin, le transfert de propriété des accessoires du navire ne donnait lieu à aucune contrepartie financière.

Il est à noter que la Cour se prononçait sur la validité de ces clauses dans le cadre d’un contrat de crédit bail destiné à financer un navire de commerce (Bien professionnel). La solution aurait été certainement différente dans le cadre d’une location avec option d’achat conclu avec plaisancier pour ses besoins personnels et familiaux.

Ces clauses sont conçues dans l’intérêt exclusif du crédit-bailleur et seraient susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l’article L.132-1 du Code de la consommation.

Philippe DELEBECQUE remarquait à ce propos « par la seule magie du contrat, le créditbailleur devient propriétaire de tout ce qui s’incorpore au bien loué : le droit de propriété qui est déjà pour lui une source d’enrichissement de premier rang, voir hors rang, devient une source d’enrichissement ».

L’auteur soulignait le raisonnement de la Haute juridiction ne raisonnant qu’en termes contractuels. Il soulignait que le crédit-bailleur se trouvait dans une situation encore plus avantageuse que le bailleur d’un immeuble. En matière immobilière, le bailleur peut se prévaloir d’une clause d’accession, or cette dernière prend effet en fin de bail.

Nonobstant la portée juridique de cet arrêt de rejet et non destiné à la publication au bulletin officiel, il permet de constater toute l’importance des termes du contrat de location avec option d’achat.

2.2. Les obligations du crédit-preneur en qualité de locataire

Conformément aux dispositions de l’article 1709 du Code civil, l’une des premières obligations du locataire consiste dans le paiement des loyers.

L’ensemble des contrats de location avec option d’achat comprend une clause résolutoire rédigée de la manière suivante :

« En cas de défaillance de la part du Locataire dans le versement des loyers ou de non-respect d’une obligation essentielle du contrat, le Bailleur pourra, huit jours après une mise en demeure notifiée sous la forme d’une lettre recommandée avec accusé de réception restée sans effet, se prévaloir de la déchéance du terme. Cette situation entraine, l’obligation de restitution immédiate du bateau et l’exigibilité immédiate des sommes dues. »

Le bailleur peut alors assigner le locataire afin d’obtenir le paiement d’une indemnité de résiliation outre la restitution du navire.

Avec l’accord du locataire restituant le navire, le bailleur peut alors faire procéder à la vente par l’intermédiaire d’un commissaire-priseur. A défaut, c’est par voie de requête aux fins d’appréhension entre les mains d’un tiers que le bailleur reprendra possession du navire. Outre le paiement des loyers, l’une des principales obligations du locataire consiste à prendre livraison du navire. Les contrats de location avec option d’achat pratiqués par de grands établissements financiers stipulent :

« L’obligation de délivrance du Bailleur est exécutée par le vendeur, sous le contrôle du Locataire. Sauf stipulation contraire du contrat de vente, les risques et périls de la livraison demeurent à la charge du locataire. Lors de la livraison du bien, le Locataire s’engage à signer avec le vendeur ou son mandataire un procès-verbal contradictoire de livraison-réception constatant la conformité du bien aux spécifications au bon de commande et à celles du contrat de location. L’attention du Locataire est particulièrement attirée sur l’importance de l’établissement et de la signature d’un procès-verbal de livraison réception qui a pour conséquence de constater la bonne exécution de l’obligation de délivrance du Bailleur, de le dégager de toute obligation de garantie et de lui permettre de payer le prix du bien sans restriction, ni réserve. »

Le locataire réalise la réception du navire en qualité de mandataire du Bailleur. Le locataire doit donc dresser un procès-verbal de réception de la chose. Il doit éventuellement mentionner la nonconformité du navire livré ou les vices et défectuosités apparentes du navire.

L’apposition de la formule « BON A PAYER » en-tête des signatures commande le paiement du prix du navire par le bailleur au vendeur. Lors de l’établissement de ce document, le bailleur prend le soin de mentionner que la facture doit être établi au nom du bailleur.

Lorsque le procès-verbal de livraison du navire est établi vierge de toutes réserves, le navire est présumé conforme au bon de commande. Le locataire qui a mal réceptionné le navire, ne peut par la suite assigner le bailleur pour manquement à son obligation de délivrance au visa de l’article 1719 du Code civil.

En effet, le locataire a reçu mandat pour choisir le navire et réaliser sa réception. Dans l’hypothèse d’une non-conformité du navire au bon de commande, le locataire doit en aviser le bailleur dans les délais contractuellement convenus. Le bailleur qui met en paiement le prix de vente du navire sur la base d’un procès-verbal de livraison signé sans réserve ne comment aucune faute. Par conséquent, le locataire demeure tenu au paiement des loyers.

Le locataire supporte alors une obligation de résultat. La jurisprudence admet cette décharge de responsabilité du locataire à la seule condition que le contrat de crédit-bail stipule le transfert de toutes les actions en garantie et notamment en garantie légale des vices cachés au profit du locataire.

La jurisprudence se montre d’une extrême rigueur avec le locataire signant le procès-verbal de réception sans mentionner aucune réserve. Dans un arrêt en date du 7 juillet 200434, le locataire d’un navire avait signé sans réserve le « certificat de conformité » attestant de la conformité du bateau à la commande. Après avoir signé ledit document, il assignait le vendeur en résolution de la vente et le bailleur, et le fournisseur du crédit en anéantissement rétroactif du contrat de location avec option d’achat.

La Cour d’appel de Lyon « a déclaré son action fondée, au motif que le bailleur ne l’avait pas renseigné sur le classement du bateau loué, la faute ainsi commise ayant concouru à l’erreur du preneur, dont le consentement a été vicié et qui n’aurait pas souscrit au crédit en cause s’il avait été mieux renseigné. La Cour de cassation censure la Cour de Lyon, en relevant qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait que le preneur avait signé sans réserve le procès-verbal de conformité à la commande, ladite Cour avait violé les dispositions de l’article 1134 du Code civil. »

C’est la valeur du procès-verbal de livraison qui était étudié dans l’arrêt rapporté. Selon ladite jurisprudence, le preneur avait signé le procès-verbal de livraison sans réserve ce qui lui interdisait par la suite d’invoquer quelque erreur ou non-conformité.

La Cour de cassation accorde ainsi une valeur absolue au procès-verbal de livraison. Cette interprétation semble parfaitement contradictoire avec l’article L.5113-4 du Code des transports qui dispose « le constructeur est garant des vices cachés du navire, malgré la recette du navire réalisé sans réserve par le Client ».

Il est ainsi recommandé aux locataires de se faire assister d’un expert maritime lors de la livraison du navire.

Le recours à un professionnel de l’expertise plaisance permet au locataire de se prémunir de l’action du bailleur en cas d’inexactitude du procès-verbal de recette du navire. Dans cette hypothèse, le locataire conserve la possibilité d’engager la responsabilité civile de l’expert. Cette obligation de délivrance repose sur un mandat conféré par le bailleur au locataire. Comme il l’a été précédemment développé, le bailleur doit en contrepartie transférer au Locataire le droit d’actionner les garanties légales à l’encontre du fabricant. N’étant pas partie au contrat de construction-vente, le locataire ne devrait pas pouvoir exercer les actions en garanties liées à la qualité d’acheteur.

Par des clauses du contrat, le bailleur va transférer au locataire le droit d’agir directement contre le vendeur, principalement en garantie des vices cachés (CA Orléans, 6 mai 2010 : JurisData n° 2010-025908).

Dans les contrats de location avec option d’achat, le locataire peut à tout moment lever l’option et devenir propriétaire du navire.

Les contrats types de location avec option d’achat stipulent des clauses permettant cette levée d’option :

« Le Locataire a la faculté d’interrompre la location et de se rendre acquéreur du bien au conditions suivantes : – Le Locataire doit avoir rempli ses obligations. – Le locataire doit aviser le bailleur par écrit de son intention soixante jours avant le prochain terme de loyer. – Le locataire doit régler au bailleur, au comptant le montant de l’indemnité de rachat TTC correspondant à la date d’interruption de la Location. Le locataire peut présenter un tiers acquéreur. Le bailleur étant libre de refuser ce dernier de façon discretionnaire. Jusqu’à l’encaissement effectif de l’indemnité de rachat TTC, tous les risques restent à la charge du Locataire. Le bateau est vendu dans l’état où il se trouve et sans aucune garantie. »

Dans la pratique, le bailleur conclut un acte de vente de navire répondant au formalisme imposé par l’article 231 du Code des douanes. La vente du navire par le bailleur au profit du locataire met un terme au contrat de location avec option d’achat. Le locataire retrouve ses pleines prérogatives de propriétaire-armateur.

Titre 2 : Les effets du contrat de location à l’égard des tiers

Dans cette opération à trois parties, se pose ainsi la question des droits du locataire à l’encontre du vendeur et ou du constructeur naval (Paragraphe 1). Une fois traitée la question des droits du locataire à l’encontre du vendeur, il conviendra d’analyser les conséquences de la résolution de la vente sur la location avec option d’achat (Paragraphe 2).

Chapitre 1. Les rapports entre le vendeur et le contrat de location avec option d’achat

1.1. La transmission du droit d’agir

Dans la totalité des contrats de location avec option d’achat, le bailleur donne mandat au locataire pour agir contre le vendeur. Aussi, on retrouve dans les contrats de location avec option d’achat des clauses du type :

« L’action visant à faire résoudre la vente ne pourra être exercée par le Locataire qu’en qualité de mandataire du bailleur et pour le compte de ce dernier ».

Ce mandat s’analyse en un mandat d’intérêt commun, conclu dans l’intérêt du bailleur et du locataire.

Le mandat ne permet au crédit-preneur d’agir que dans l’hypothèse où la demande de résolution de la vente est fondée sur un vice ou un trouble de jouissance affectant l’utilisation du bien. Si la demande en résolution est fondée sur l’inexécution par le vendeur d’autres obligations que celles liées au contrat de vente (par exemple, une rupture des relations existant entre fournisseur et crédit-preneur), la résolution sera inopposable à l’établissement de crédit-bail.

Le mandat consenti au crédit-preneur par le crédit-bailleur pour l’exercice des recours contre le fournisseur a pour contrepartie la renonciation du preneur au bénéfice de la garantie du bailleur. Il est dès lors soumis aux mêmes conditions de déchéance que l’aurait été le droit de mettre en jeu cette garantie39 (Cass. com., 15 déc. 1998 : JurisData n° 1998-005012).

Juridiquement, cela revient à admettre que le locataire ne saurait assigner le fabricant du navire sur le fondement des articles 1641 du Code civil et L.5113-4 du Code des transports et le bailleur au visa de l’article 1719 du Code civil.

La jurisprudence reconnaît le droit d’agir du locataire à l’encontre du fabricant. Dans une jurisprudence en date du 30 juin 2010, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait jugé :

« Si le propriétaire du navire lors de l’assignation au fond de fin janvier 2006 était la société CIAL EQUIPEMENT tandis que Monsieur M. n’en était que le locataire, la Cour constate qu’aux termes de l’article V des conditions générales de location avec option d’achat régissant ces 2 parties le loueur subroge le locataire dans les droits d’appel en garantie à l’encontre du fournisseur ou du constructeur. Le procès a donc valablement été engagé par Monsieur M., lequel est d’ailleurs devenu propriétaire le 2 juin 2008 soit en cours de première instance. »

En tout état de cause, les demandes en justice dirigées contre le vendeur doivent être adressées par le locataire pris en sa qualité de mandataire du bailleur.

1.2. Les conséquences de la résolution de la vente sur la location avec option d’achat.

Lorsqu’un navire est atteint de différents désordres, le locataire a qualité pour agir en garantie des vices cachés et demander la résolution de la vente. La procédure consiste notamment à introduire une action en référé par devant le Président du Tribunal de commerce territorialement compétent afin d’obtenir au visa de l’article 145 du Code de procédure civile la désignation d’un expert judiciaire.

Cet expert devra alors déterminer la nature des vices et désordres affectant le navire. Il n’entre pas dans le champ de compétence de l’expert judiciaire de qualifier le vice caché. Le vice caché est une notion juridique.

Certains contrats de location avec option d’achat stipulent :

« En cas de contestation sur l’exécution du bien loué, le Tribunal pourra, jusqu’à la solution du litige, suspendre votre obligation de paiement des loyers ».

Ces clauses ne figurent pas dans l’ensemble des contrats de location avec option d’achat. A l’instar des contrats pratiqués par Lixxbail, aucune clause ne permet d’obtenir la suspension du paiement des loyers.

En présence d’une telle clause, le locataire sur la base d’un rapport d’expertise amiable et du rapport d’expertise judiciaire peut solliciter en référé sur le fondement des articles 872 et 873 du Code de procédure civile la suspension du paiement des loyers.

Aucun arrêt d’appel ou de cassation ne s’est prononcé sur ladite question. Par une Ordonnance en date du 24 avril 2015, le Président du Tribunal de commerce de Cannes avait fait droit à la demande initiée par le Locataire.

En l’espèce, il avait déjà introduit une action au fond visant à obtenir la résolution du contrat de vente de son navire manifestement atteint de vices cachés le rendant impropre à sa destination. L ‘application de ladite clause ne soulevait alors aucune difficulté.

Il convient de noter que l’ensemble des contrats de location avec option d’achat stipulent une clause de suspension de paiement des loyers en cas de difficulté dans l’exécution du contrat de vente.

Dans une procédure visant à obtenir la résolution de la vente de navire acquis en location avec option d’achat, après avoir assigné le vendeur et le bailleur en désignation d’un expert judiciaire, le Locataire peut dans un second temps solliciter en référé l’autorisation de suspendre le paiement des loyers.

Dans le dessein d’obtenir la résolution du contrat de vente, la suspension du paiement des loyers se place comme une première étape vers la résiliation de la location avec option d’achat.

Le crédit-bail avait donné lieu à d’importantes difficultés théoriques lorsque le contrat de vente du bien loué était résolu. La résolution du contrat de vente du bien loué posait ainsi la question du sort du contrat de crédit-bail. Le crédit-preneur devait il poursuivre l’exécution du contrat de crédit-bail ? Qu’advenait-il des loyers versés ?

Admettre la résolution du contrat de crédit-bail revenait ainsi à considérer le contrat de vente et le contrat de bail de manière interdépendante. Le contrat de bail trouvant sa cause au sens de l’article 1131 du Code civil dans le contrat de vente, la résolution de l’un entrainerait la résolution de l’autre.

En revanche, si l’on considérait les deux contrats de manière autonome et indépendant, alors la résolution de la vente n’aurait pas d’effet sur l’exécution du contrat de bail.

Après une controverse entre la première chambre civile de la Cour de cassation et la chambre commerciale, un arrêt de la chambre mixte en date du 23 novembre 199043 a tranché la question.

« La résolution du contrat de vente entraine nécessairement la résiliation du contrat de créditbail, sous réserve de l’application de clauses ayant pour objet de régler les conséquences de cette résiliation ».

Pourtant, en dépit de cette jurisprudence certains contrats de location avec option d’achat stipulent :

« Si la vente est annulée par le Tribunal, le contrat de location l’est automatiquement (à condition toutefois que le bailleur soit intervenu à l’instance ou qu’il ait été mis en cause par le locataire ou le vendeur».

A défaut de se conformer à la jurisprudence précitée, ces clauses ont le mérite de consacrer l’interdépendance des conventions.

Ces clauses sont issues du modèle type d’offre préalable de location avec promesse de vente issue du Décret n°78-509 du 24 mars 1978 pris pour l’application des articles 5 et 12 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 relative à l’information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit.

La 1ére chambre civile de la Cour d’appel de Grenoble statuant sur renvoi dans un arrêt en date du 28 avril 2009 se prononçait sur ladite question. Un navire de type BENETEAU FLYER F1 était financé selon contrat de location avec option d’achat consenti avec BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.

Se plaignant de divers désordres analysés par le Locataire comme des vices cachés, le bénéficiaire de la LOA assignait le vendeur en résolution de la vente et le crédit-bailleur en résolution de la location avec option d’achat.

La Cour d’appel de Grenoble rappelait en l’espèce, que s’agissant d’un navire d’une valeur supérieure à 140.000 Francs, il y avait lieu d’appliquer les dispositions de droit commun et non pas les dispositions de la loi du 10 janvier 1978.

A ce titre, les contrats type de location avec option d’achat stipulent des clauses :

« Si le bien loué est destiné aux besoins de l’activité professionnelle du Locataire, le contrat de location avec option d’achat n’entre pas dans le champ d’application des articles L.121-20-8 et suivants du Code de la consommation, ni des articles L311-1 et suivants du Code de la consommation et les articles 2b à 2e, 6a, 11a et 11c ci-dessous sont inapplicables. »

Par conséquent, la résolution du contrat de vente étant acquise et non contestée en l’occurrence, cet anéantissement rétroactif du contrat de vente entrainait la résiliation du contrat de location avec option d’achat.

Il semblerait que la jurisprudence est opérée un revirement.

Dans un arrêt du 13 avril 2018, la chambre mixte de la Cour de cassation a jugé :

« Mais attendu que la Cour de cassation jugeait jusqu’à présent que la résolution du contrat de vente entraînait nécessairement la résiliation du contrat de crédit-bail, sous réserve de l’application de clauses ayant pour objet de régler les conséquences de cette résiliation (Ch. mixte., 23 novembre 1990, pourvois n° 86-19.396, n° 88-16.883 et n° 87-17.044, Bull. 1990, Ch. mixte, n° 1 et 2 ; Com., 12 octobre 1993, pourvoi n° 91-17.621, Bull. 1993, IV, n° 327 ; Com., 28 janvier 2003, pourvoi n° 01-00.330 ; Com., 14 décembre 2010, pourvoi n° 09-15.992). Que, par ailleurs, il a été jugé que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants (Ch. mixte., 17 mai 2013, pourvois n° 11-22.768 et n° 11-22.927,Bull. 2013, Ch. mixte, n° 1) et que l’anéantissement de l’un quelconque d’entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres (Com., 12 juillet 2017, pourvoi n° 15-27.703, publié).

Que, si cette dernière jurisprudence n’est pas transposable au contrat de crédit-bail mobilier, accessoire au contrat de vente, la caducité qu’elle prévoit, qui n’affecte pas la formation du contrat et peut intervenir à un moment où celui-ci a reçu un commencement d’exécution, et qui diffère de la résolution et de la résiliation en ce qu’elle ne sanctionne pas une inexécution du contrat de crédit-bail mais la disparition de l’un de ses éléments essentiels, à savoir le contrat principal en considération duquel il a été conclu, constitue la mesure adaptée.

Qu’il y a lieu, dès lors, modifiant la jurisprudence, de décider que la résolution du contrat de vente entraîne, par voie de conséquence, la caducité, à la date d’effet de la résolution, du contrat de crédit-bail et que sont inapplicables les clauses prévues en cas de résiliation du contrat.

Que c’est donc à bon droit que la cour d’appel a retenu que le crédit-preneur devait restituer le véhicule à la banque et que celle-ci, qui ne pouvait pas se prévaloir des clauses contractuelles de garantie et de renonciation à recours, devait lui restituer les loyers perçus en exécution du contrat de crédit-bail. »

Dans un arrêt du 21 février 2019, la Cour d’appel d’Aix en Provence a jugé que le dol commis par le vendeur entrainait la nullité du contrat de vente du navire. En conséquence, la Cour jugeait que la nullité du contrat de vente entrainait la caducité du contrat de location avec option d’achat. Dans un arrêt rapporté dans le DMF47, l’utilisateur d’un navire atteint de différents défauts agit en garantie des vices cachés et demande la résolution de la vente outre une indemnisation au titre du préjudice de jouissance.

Le vice caché est qualifié par les juges, la résolution de la vente acquise, pourtant le préjudice de jouissance lui est refusé au motif que le chantier avait proposé de rapatrier le navire dans ses locaux afin de permettre sa réparation.

La décision est cassée au visa de l’article 1645 du Code civil qui dispose « si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur. »

La décision se prononce également sur les conséquences de la résolution de la vente à l’égard du crédit-bail. En effet, les premiers juges avaient conclu à l’existence d’une indivisibilité entre le contrat de bail et le contrat de vente. Les deux formant alors un tout indissociable. Le vendeur était alors condamné à payer au bailleur le prix total du navire, outre les intérêts contractuellement prévus.

Cela revenait à opposer au vendeur les termes du contrat de location avec option d’achat conclu entre le Bailleur et le Locataire.

Là encore, la cassation est prononcée au visa de l’article 1165 du Code civil. En effet, il aurait fallu qualifier « l’indivisibilité » des deux conventions afin d’opposer au vendeur les stipulations de l’offre de location avec option d’achat.

Une telle jurisprudence pourrait prochainement être remise en cause, en raison notamment du projet de réforme du droit des obligations. Ledit projet en son article 1169 consacre la théorie jusqu’alors prétorienne de l’interdépendance des conventions.

Outre les difficultés que le crédit-bail peut soulever dans le droit de la vente du navire, le fournisseur du navire rencontre également des difficultés relatives à la dissociation de la qualité propriétaire-armateur.

Chapitre 2 – Les rapports entre le fournisseur et le contrat de location avec option d’achat

L’utilisation d’un navire, même d’un navire de plaisance, génère d’importants frais (place au port, carénage, réparations navales….). La dissociation de la qualité d’armateur et de propriétaire peut susciter des interrogations relatives au recouvrement d’une créance portant sur le navire.

2.1. Les dettes d’exploitation du navire

Il était démontré qu’en présence d’un navire en crédit-bail c’est le locataire, utilisateur exclusif, qui revêt la qualité d’armateur.

La question posait en jurisprudence concernait les dettes réalisées pour l’exploitation du navire. Les contrats pratiqués par le bailleur CAPITOLE FINANCE TOFINSO règlent contractuellement ce point.

« Les frais d’utilisation, d’entretien et de réparations sont à la charge du Locataire, y compris les grosses réparations et ce, par dérogations aux articles 1719 du Code civil. »

La jurisprudence de la Cour de cassation s’est prononcée sur ladite question. Dans une jurisprudence portant, comme de coutume en droit maritime, le nom du navire concerné, « THE ONE » elle jugeait « Le crédit-bailleur et le crédit-preneur d’un navire ne sont pas codébiteurs des dettes nées des fournitures faites pour l’exploitation de celui-ci, laquelle ne constitue pas une opération commerciale qui leur soit commune. »

Ayant relevé que la fourniture des équipements litigieux avait été faite pour les besoins de l’exploitation du navire, une cour d’appel n’a pas à effectuer la recherche inopérante évoquée sur la portée, entre les coobligés solidaires, de l’interruption de la prescription par une mesure conservatoire pratiquée à l’égard de l’un d’eux.

Il résulte de la combinaison des articles L. 5423-2, al. 2 et 5411-2, al. 2 du code des transports et de l’art. 92-4o du décret du 27 octobre 1967 que les clauses des contrats d’affrètement à temps ou coque-nue donnant à l’affréteur la qualité d’armateur ne sont, pour leur opposabilité aux tiers, soumises à publicité sur la fiche matricule du navire que si celui-ci est francisé. »

En l’espèce, il était question d’équipements fournis sur un navire de grande plaisance (Plus de 65 mètres). Lesdits équipements commandés par le crédit preneur n’avaient pas été réglées et le fournisseur en sollicitait le paiement.

L’arrêt rapporté ne concernait pas une location avec option d’achat sur un navire de plaisance mais pourrait tout à fait s’y adapter.

Tout l’intérêt de cet arrêt résidait dans la prescription opposable au fournisseur qui avait agit plus d’un an après la livraison du matériel litigieux. Ce dernier « eut alors à l’esprit de soutenir que la mesure conservatoire qu’il avait diligentée contre le crédit-bailleur avait interrompu le délai de prescription inhérent à son action contre le crédit-preneur, dans la mesure où les poursuites faites contre un codébiteur solidaire interrompent la prescription à l’égard de l’autre conformément à l’article 1206 du Code civil. »

Se posait ainsi à la Cour de cassation la question de la solidarité entre crédit-bailleur et créditpreneur pour les dettes relatives à l’exploitation du navire. L’action du fournisseur à l’encontre du crédit-bailleur se heurtait à un obstacle majeur : l’effet relatif des conventions (article 1165 du Code civil). Il n’existait, en l’espèce, aucun lien contractuel entre le fournisseur et le crédit bailleur.

Effectivement, la commande du matériel litigieux avait été passée entre le crédit preneur et le fournisseur. Le principe de l’effet relatif des conventions suffisait, à lui seul, pour écarter l’action du fournisseur contre le crédit bailleur.

Au surplus, le crédit-bailleur ne s’était à aucun moment porté caution des engagements du crédit preneur. L’auteur Philippe DELEBECQUE commentant cet arrêt soulignait notamment qu’admettre la solidarité entre crédit bailleur et crédit preneur reviendrait à admettre qu’un navire exploité en crédit bail a deux armateurs. Une telle solution aurait été largement critiquable bien que déjà retenue pour un contrat d’affrètement à temps.

En n’admettant pas la solidarité entre crédit bailleur et crédit preneur, la Cour d’appel puis la Cour de cassation considère l’action du fournisseur comme prescrite.

L’action étant prescrite contre le crédit-preneur, il convenait de s’attacher à l’action dirigée contre le crédit bailleur. En l’espèce, le fournisseur bénéficiait d’un acte interruptif de prescription diligenté à l’encontre du crédit bailleur.

Le crédit-bailleur avait été condamné par la Cour d’appel sur la base de l’article L.5423-2 du Code des transports. Au visa de ce texte, les dépenses faites pour les besoins de l’exploitation doivent être supportées par l’armateur, savoir, le propriétaire sauf si le contrat est publié. En l’occurrence, le contrat de crédit-bail n’avait fait l’objet d’aucune publication. Pour la Cour d’appel, c’est donc le crédit bailleur qui était débiteur des dépenses réalisées pour l’exploitation du navire.

Or, cette exigence de publication ne pèse que sur les navires francisés52 et le navire THE ONE battait pavillon portugais. Le contrat de crédit-bail emportant transfert de la qualité d’armateur n’avait pas l’obligation d’être publié. L’action du fournisseur à l’encontre du crédit bailleur était finalement rejetée par la Cour de cassation.

Appliqué au navire de plaisance, les contrats de location avec option d’achat ne sont pas publiés. L’acte de francisation distingue le propriétaire et le locataire et laisse apparaître le nom et la qualité de chacun d’eux. En revanche, les lettres de pavillon n’opèrent pas cette distinction et se contentent de mentionner le nom du propriétaire inscrit.

A défaut de jurisprudence et en tout hypothèse, l’action d’un fournisseur à l’encontre d’un bailleur de navire francisé afin de recouvrir des dettes d’utilisation dudit navire serait vouée à l’échec. En effet, le contrat de location avec option d’achat transfert la qualité d’armateur au locataire dont le nom figure sur l’acte de francisation.

Inversement, un navire sous lettre de pavillon ne permettrait pas aux tiers d’être informé de l’existence d’un contrat de crédit-bail. Dés lors, l’action dirigée à l’encontre du crédit-bailleur pourrait tout à fait être jugé recevable.

Il ne s’agit-là que d’une prospection à défaut d’éléments de droit positif. La jurisprudence THE ONE surprendra également le lecteur averti. Il est précisé que le fournisseur avait diligenté à l’encontre du crédit-bailleur une mesure conservatoire, vraisemblablement une saisie conservatoire de navire au visa de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952.

2.2. Les mesures conservatoires pratiquées à l’égard d’un navire en location avec option d’achat

La saisie conservatoire d’un navire exploité en crédit-bail est susceptible de provoquer des difficultés lorsque ladite saisie est pratiquée sous l’empire du droit français.

En effet, le droit français contrairement à la convention de Bruxelles du 10 mai 1952 ne reconnaît pas l’action in rem. Cette institution connue pour son efficacité, brille également par les innombrables difficultés d’application.

Le professeur VIALARD observait dans une chronique publiée au DMF que « la saisie conservatoire des navires affrétés est un domaine où l’on constate des variations importantes entre le droit maritime international, tel qu’exprimé dans la convention de Bruxelles du 10 mai 1952 « pour l’unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer », et le droit interne. »

Analyser les conditions de la saisie conservatoire d’un navire en location avec option d’achat renvoie à l’étude de la saisie conservatoire d’un navire affrété pour dettes de l’affréteur (locataire).

Sous l’empire de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, la question ne soulève pas de difficultés. En revanche sous l’empire du droit interne, le Professeur VIALARD soulignait « le laconisme du droit interne oblige à l’introspection. »

L’opportunité de pratiquer une saisie conservatoire sur un navire en location avec option d’achat dépend essentiellement de la nature de la créance.

Le Décret n°67-967 du 27 octobre 1967 relatif au statut des navires et autres bâtiments de mer fait peser sur le navire un privilège destiné à garantir un certain nombre de créances liées à son exploitation, alors même que le débiteur ne serait pas le propriétaire du navire.

La doctrine dominante55 en tire la conséquence suivante : « Le privilège maritime est un véritable droit réel doté d’un droit de suite, conduisant à l’exécution in rem, indépendamment de l’identité du débiteur, il faut admettre par voie de conséquence, qui peut le plus pouvant le moins, que de simples mesures conservatoires puissent être prises qui préparent l’exécution proprement dite. »

Lorsque le fournisseur est titulaire d’une créance privilégiée au sens de l’article L.5114-8 du Code des transports, alors il sera légitime à solliciter l’autorisation de saisir à titre un navire en LOA même sous l’empire du droit français.

Admettre la saisie conservatoire d’un navire en LOA sous pavillon français induit une nécessaire réflexion d’ordre pratique sur les créances permettant une telle saisie.

Selon toute vraisemblance, c’est sur le fondement de l’article L.5114-8 alinéa 6 que la majorité des créanciers de navire de plaisance revendiqueront une créance privilégiée leur permettant de solliciter l’autorisation de saisir à titre conservatoire un navire en LOA.

Les contrats de location avec option d’achat adaptés au navire renvoient la responsabilité d’une saisie conservatoire au locataire en stipulant des clauses du type :

« Le Locataire s’engage à faire respecter pendant toute la durée de la location le droit de propriété du Bailleur. Le Locataire informera immédiatement le Bailleur de toute mise en cause de ce droit de propriété et notamment, en cas de saisie, fera le nécessaire pour en obtenir mainlevée à ses frais. »

La pratique de la saisie conservatoire de navire dans le cadre d’une location avec option d’achat révèle toute la complexité de la dissociation du propriétaire et de l’armateur.

Le Tribunal de commerce de Cannes avait ainsi refusé l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire de navire sur le fondement du droit interne. Ladite Ordonnance qu’il nous paraît impossible de ne pas reproduire in extenso jugeait :

Attendu que :

« L’article L.5114-22 du Code des transports dispose que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire d’un navire ; Il convient de constater que la créance invoquée par le requérant concerne la société ARIZONA, en sa qualité de crédit-preneur du navire « X », et non en tant que propriétaire ; En conséquence, il convient de dire irrecevable la requête de la SAS Y consistant à faire procéder à la saisie conservatoire du navire X, appartenant à la NATIXIS LEASE. »

Ceci illustre parfaitement la difficulté juridique impliquée par la dissociation des qualités de propriétaire et d’armateur.

CONCLUSION

Au terme de cette étude, force est de constater toute l’ambivalence que suppose l’acquisition d’un navire de plaisance en location avec option d’achat.

La symbiose contractuelle de ce mode de financement impliquant un contrat de vente, un contrat de location pose indéniablement des questions relatives à l’effet des conventions entre chacune des parties. Le recours à la technique juridique du mandat s’imposait alors pour pallier l’effet relatif des conventions.

Gardons à l’esprit que c’est le Locataire l’utilisateur exclusif du navire. C’est lui qui doit exercer les principales prérogatives dévolues au propriétaire et notamment les actions en garantie des vices cachés. L’adaptation des règles de droit maritime à cette opération incite à l’introspection. C’est bien souvent au regard des règles applicables au contrat d’affrètement coque-nue que les solutions juridiques se dessinent. Les contrats étudiés dans le présent mémoire ont servi à financer plus de 10.000 navires. Etudier les différentes clauses, les confronter à la pratique maritime revient à ouvrir une boite de pandore qui ne se refermera sans doute jamais.

Les navires acquis en location avec option d’achat naviguent ainsi dans une mer juridiquement formée. La jurisprudence de la Cour de cassation n’a pas fini d’animer cet océan d’ores et déjà périlleux.


Version originale en PDF :

Acquisition-d-un-navire-de-plaisance-en-LOA

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