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La vente des navires abandonnés

La vente des navires sur le fondement de la Loi du 31 décembre 1903 relative à la vente de certains objets abandonnés

Auteurs : Jérôme MOULET et Nicolas MARTY, Avocats au Barreau de MARSEILLE

Commentaires sous CA Montpellier 5º Chambre Section A, ARRET DU 05 DECEMBRE 2013 – Numéro d’inscription au répertoire général : 12/08522

Extraits de l’arrêt commenté :

« La loi du 31 décembre 1903 relative à la vente de certains objets abandonnés, fondant la requête en autorisation de vente formée par la SARL Y, dispose en son alinéa 1er : «Les objets mobiliers confiés à un professionnel pour être travaillés, façonnés, réparés ou nettoyés et qui n’auront pas été retirés dans le délai d’un an pourront être vendus dans les conditions et formes détermines par les articles suivants». En l’espèce, le contrat liant les parties n’est en aucun cas assimilable aux contrats visés par les dispositions de la loi du 31 décembre 1903 puisqu’il s’agit d’un contrat pur et simple de location, conclu pour une période d’un an renouvelable par tacite prorogation. »

Commentaires :

La vente des navires abandonnés« Un navire est également une chose, un bien meuble susceptible de faire l’objet d’une évaluation financière et qui représente souvent une valeur économique importante, voire colossale. Dès lors, la valeur marchande du navire attire immanquablement mais à juste titre, l’intérêt -pour ne pas dire la convoitise- des personnes physiques ou morales à la recherche du désintéressement des créances dont elles peuvent être titulaires » (La saisie conservatoire du navire suite à son adjudication, Par Jérôme MOULET, Avocat au Barreau de MARSEILLE).

De nombreux navires demeurent entreposés à l’état d’abandon chez des professionnels du nautisme. L’article 1er de la loi du 31 décembre 1903 relative à la vente de certains objets abandonnés dispose : Les objets mobiliers confiés à un professionnel pour être travaillés, façonnés, réparés ou nettoyés et qui n’auront pas été retirés dans le délai de un an pourront être vendus dans les conditions et formes déterminées par les articles suivants.

La jurisprudence relative à la vente des navires sur ce fondement est relativement rare. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier en date du 5 décembre 2013 est assez singulier pour être commenté. Monsieur Francisco X… avait souscrit auprès de la SARL Y un contrat de location d’un emplacement d’hivernage à terre pour son navire de marque JEANNEAU, moyennant une redevance mensuelle de 31,00 euros.

Après plusieurs mises en demeure infructueuses, Monsieur X était débiteur d’un important retard d’impayés de loyers.

La SARL Y présentait une requête au président du Tribunal d’instance de SETE aux fins d’être autorisée à faire procéder à la vente publique du navire.

Monsieur le président du Tribunal d’instance de SETE faisait droit à la requête et désignait Maître BRINGUIER, huissier de justice à SETE, pour procéder à la vente aux enchères publiques du navire.

Monsieur Francisco X… relevait appel de cette décision le 14 novembre 2012. Il demandait à la Cour d’appel de Montpellier d’infirmer l’ordonnance du Président du Tribunal d’instance de SETE aux motifs que cette dernière était irrégulière en ce que, ne mentionnant ni le jour, ni l’heure, ni le lieu de la vente, elle ne respectait pas les dispositions des articles 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1903.

La Cour d’appel de Montpellier infirme l’ordonnance autorisant la vente du navire et rejette la requête au motif que « le contrat liant les parties n’est en aucun cas assimilable aux contrats visés par les dispositions de la loi du 31 décembre 1903 puisqu’il s’agit d’un contrat pur et simple de location, conclu pour une période d’un an renouvelable par tacite prorogation. » Bien que la Cour rejette la demande visant à obtenir la vente du navire, les magistrats ne s’opposent pas à la vente des navires sur le fondement de la loi du 31 décembre 1903 relative à la vente de certains objets abandonnés.

La vente des navires abandonnésEn l’espèce, l’arrêt est justifié par l’existence d’un contrat de dépôt entre le chantier naval et le propriétaire du navire. Le contrat de dépôt assorti d’un contrat d’entreprise entraine nécessairement un transfert de la garde du navire et une obligation de surveillance à la charge du dépositaire (Le Droit Maritime Français – 1998 – n° 584 – La garde des navires dans les ports de plaisance et les chantiers navals).

La solution aurait été différente si le contrat de dépôt avait été résilié préalablement à la vente du navire. L’existence d’un contrat de dépôt en cours d’exécution est un obstacle à la vente du navire sur le fondement de la loi du 31 décembre 1903.

En effet, l’article 1er de la loi du 31 décembre 1903 vise exclusivement les objets mobiliers confiés à un professionnel pour être travaillés, façonnés, réparés ou nettoyés. La désignation de ces quatre opérations renvoie nécessairement au contrat d’entreprise ou d’ouvrage et non au contrat de dépôt.

La loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l’économie bleue (article 54) a modifié les dispositions de la loi du 31 décembre 1903 relative à la vente de certains objets abandonnés, qui concernent les navires et bateaux de plaisance déposés chez un professionnel pour être réparés, entretenus, conservés ou gardés et qui n’ont pas été retirés dans le délai d’un an.

Depuis l’entrée en vigueur de ces dispositions, le professionnel concerné peut présenter une requête au juge du Tribunal d’instance afin que la vente aux enchères publiques du bateau de plaisance abandonné soit ordonnée. En cas de carence d’enchères, l’ordonnance indique que le navire est remis à une société de déconstruction en vue de sa déconstruction ou de son démantèlement.

Ce dispositif applicable au navire est un outil pertinent au service des professionnels du nautisme que sont les chantiers navals afin de faire procéder à la vente des navires abandonnés chez eux.

Il s’agit de l’un des outils juridiques permettant de procéder à la déconstruction des navires de plaisance hors d’état de naviguer.

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