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Livraison de la cargaison sans présentation du connaissement

La livraison de la cargaison sans présentation du connaissement correspondant n’est ni un problème nouveau ni un problème ignoré. En droit français actuel, il est bien connu que cette livraison constitue une faute, que le connaissement en question soit un connaissement au porteur, un connaissement à ordre ou un connaissement nominatif.

Cette faute a souvent été considérée comme inévitable dans les situations où le connaissement ne peut être produit sans que le destinataire n’y soit pour rien. Par exemple, lors de voyages de courte distance, la cargaison peut arriver plus vite que le connaissement. Des retards peuvent survenir en raison du temps nécessaire au traitement du crédit documentaire, des procédures bancaires ou des retards postaux, y compris les grèves ou l’inefficacité générale.

La livraison sans connaissementNéanmoins, il est courant que la cargaison soit livrée sans présentation du connaissement, bien que cela soit exigé par le décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966 relatif aux contrats d’affrètement et de transport maritimes. L’article 50 stipule : « La remise du connaissement au transporteur ou à son représentant établit la livraison, sauf preuve du contraire. »

Une telle livraison constitue une faute qui n’est pas soumise à la limitation de responsabilité du transporteur, car cette limitation ne couvre que la perte ou les dommages causés aux marchandises. En pratique, la livraison sans le connaissement s’accompagne souvent d’une lettre de garantie en faveur du transporteur. Cette lettre engage le destinataire à couvrir toute réclamation du destinataire réel et est souvent émise par une banque pour un montant fixe, qui peut ne pas correspondre à la valeur réelle des marchandises.

L’utilisation de lettres de garantie est juridiquement discutable, mais reste très répandue. Le manque de meilleures alternatives conduit à son utilisation continue, en particulier pour les marchandises périssables ou en cas de surestaries. On pourrait se demander pourquoi une pratique aussi irrégulière est tolérée. Si elle est inévitable, pourquoi n’est-elle pas formellement reconnue par la jurisprudence ou la législation ?

La livraison en échange d’une lettre de garantie, sans présentation du connaissement, est devenue courante. Comme l’a fait remarquer un commentateur, « Le même capitaine qui, il y a dix ans, était stigmatisé pour avoir procédé à la livraison à un tiers non qualifié se retrouve aujourd’hui responsable de la refuser, une fois qu’une lettre de garantie a été présentée. »

La jurisprudence semble tolérer cela. Certains juristes suggèrent même que les tribunaux ont rendu la production du connaissement volontaire dans les cas où une lettre de garantie est présentée. Cependant, cela pourrait aller trop loin. Lorsqu’un expéditeur accepte la livraison sur la base d’une lettre de garantie, toute action contre le transporteur pour livraison sans le connaissement ni la garantie est soumise à la prescription d’un an en vertu du droit des transports, comme l’a confirmé la Chambre commerciale de la Cour de cassation française.

La livraison sans le connaissement ou une lettre de garantie est clairement irrégulière et constitue une faute.

Cependant, les lettres de garantie posent leurs propres problèmes. Comme la limitation de responsabilité du transporteur ne s’applique pas à la livraison irrégulière, il reste responsable de toutes les conséquences directes et indirectes de la faute. Le montant de l’indemnité peut être difficile à calculer et peut ne pas refléter la valeur des marchandises à l’arrivée. Les banques peuvent également être réticentes à émettre des garanties ouvertes, nécessitant une estimation du dommage potentiel.

Le délai de prescription des actions relatives à la livraison sans connaissement a suscité un débat. Est-il soumis au droit commun ou au délai d’un an prévu à l’article L5422-18 du Code des transports (anciennement article 32 de la loi n° 66-420 du 16 juin 1966) ? Cet article stipule : « L’action intentée contre le transporteur en raison de pertes ou dommages est prescrite après un an. »

La Cour de cassation a statué le 22 mai 2007 que le délai de prescription d’un an s’applique. Dans cette affaire, l’expéditeur a poursuivi un transporteur qui avait livré la cargaison sans exiger la lettre de garantie convenue. Étant donné que le contrat autorisait la livraison sans connaissement uniquement si une lettre de garantie était émise (ce qui n’était pas le cas), le tribunal a néanmoins rejeté l’affaire comme étant prescrite en vertu de l’article L5422-18. Cela a établi que les fautes de livraison comme celle-ci sont liées par le délai de prescription d’un an.

La livraison sans connaissementL’exigence d’une lettre de garantie n’est pas une obligation distincte, mais fait partie du contrat de transport. Par conséquent, toute action connexe relève du délai de prescription du contrat de transport. Les réclamations doivent être présentées rapidement, bien que les relations commerciales puissent compliquer cela.

Tous les pays maritimes n’acceptent pas la livraison sans connaissement. Le 16 février, la Cour suprême chinoise a publié une interprétation judiciaire exigeant que le transporteur ne livre les marchandises que sur présentation du connaissement original, quel que soit son type. Le non-respect de cette obligation entraîne la responsabilité du transporteur envers le détenteur du connaissement, et aucune limitation de responsabilité ne s’applique. L’assurance chinoise ne couvre pas non plus la livraison sans connaissement, même lorsqu’elle est accompagnée d’une lettre de garantie. D’autres pays pourraient suivre.

En droit du transport aérien, qui influence souvent le droit maritime, la Cour de cassation française s’est récemment prononcée contre une clause autorisant la livraison à une partie autre que le destinataire désigné dans la lettre de transport aérien. En vertu de l’article 23 de la Convention de Varsovie, de telles clauses sont nulles car elles visent à limiter la responsabilité du transporteur. Bien que cela ne soit pas directement pertinent pour la livraison maritime sans connaissement, ce précédent mérite d’être noté. Il reflète une réticence plus large à autoriser les dérogations aux obligations strictes de livraison documentaire.

Les Règles de Rotterdam tentent de traiter la question de la livraison sans connaissement. Elles permettent aux transporteurs de limiter leur responsabilité pour les violations (et pas seulement pour les pertes ou les dommages). L’article 59 soutient ce changement. Ces règles prévoient également la livraison sans « document de transport » (un terme utilisé à la place de « connaissement »).

En vertu de l’article 46, pour les documents négociables, et de l’article 45 pour les documents non négociables, un transporteur peut livrer la cargaison sans présenter le document si l’expéditeur lui en donne l’instruction. Selon l’article 47, le transporteur peut demander une garantie, ressemblant à une lettre de garantie, avant de le faire. Ainsi, les Règles de Rotterdam semblent reconnaître cette pratique répandue mais non officielle.

Bien que la livraison basée sur des lettres de garantie soit courante, elle n’est pas universellement acceptée et reste juridiquement fragile. Il serait préférable de ne livrer la cargaison que sur présentation du connaissement, comme l’exige la loi. Pour éviter les risques juridiques et commerciaux, il est fortement recommandé de consulter un conseiller qualifié. Un avocat spécialisé en droit maritime et commercial est une ressource indispensable. Avant de prendre des décisions concernant votre contrat de transport, il convient de demander un avis juridique spécialisé.

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