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Tribord amures : quelle est la force de cette règle ?

Répartition des pouvoirs entre l’autorité judiciaire et la fédération française de voile

La Fédération Française de Voile est un sport et une autorité nationale chargée d’un service public : l’organisation de la voile. En effet, la Fédération Française détient une délégation de pouvoir de l’exécutif.

Les régates organisées par la Fédération Française de Voile sont régies par les Règles de Course à la Voile et le Règlement International pour Prévenir les Abordages en Mer de 1972 (COLREGS). De plus, elles sont réglementées par la Loi du 7 juillet 1967 relative aux événements de mer qui n’incrimine que le navire (c’est-à-dire son propriétaire). Les Règles de Course à la Voile adoptées par la Fédération Française de Voile sont les règles de course internationalement reconnues créées par l’ISA (Fédération Internationale de Voile).

Pour la mise en œuvre de ces règles, la Fédération Française de Voile constitue des jurys, qu’ils soient nationaux ou internationaux selon l’importance de la course ; ces jurys se réunissent sous son autorité.

Bien que les compétences nautiques des jurys soient probablement plus aguerries que celles des magistrats, il n’en demeure pas moins qu’il appartient à l’autorité judiciaire de résoudre l’affaire et de se prononcer sur la responsabilité. Les juges, notamment dans l’arrêt du 12 octobre 2011, ont confirmé cette affirmation : « les questions de dommages causés par une violation de l’une de ces règles sont régies par les exigences, le cas échéant, de l’autorité nationale ».

Au-delà de cette répartition des pouvoirs entre la Fédération Française de Voile, qui applique les Règles de Course à la Voile et les COLREGS, et l’autorité judiciaire, qui est responsable des questions de responsabilité, il revient également à l’autorité judiciaire d’interpréter les règles de responsabilité.

Interprétation des règles de course à la voile / des COLREGS par l’autorité judiciaire

Les juges ont compétence pour interpréter les Règles de Course à la Voile. Dans ce but, ils prennent en compte la spécificité de la navigation maritime, des Règles de Course à la Voile, et la spécificité de l’organisation des régates. Ainsi, les juges analysent le droit de passage (Articles 10 à 13 des Règles de Course à la Voile) et concluent sur l’identité du navire en faute. De plus, comme les juges mettent en œuvre le mécanisme de responsabilité, ils peuvent également décider de partager les responsabilités entre les navires impliqués dans une collision. C’est d’ailleurs sur ce point que leur pouvoir d’interprétation se manifeste le plus.

Par exemple, dans le jugement de 2011, base de notre rapport, le navire prioritaire était en faute selon l’Article 17 des COLREGS et l’Article 14 des Règles de Course à la Voile (Le jury de la Fédération Française de Voile avait préalablement exclu le navire non-prioritaire de la régate pour non-respect des Règles de Course à la Voile).

Article 17 des COLREGS

(a) (i) Lorsque l’un de deux navires doit s’écarter de la route de l’autre, ce dernier doit maintenir son cap et sa vitesse.
(ii) Ce dernier navire peut cependant prendre des mesures pour éviter l’abordage par sa seule manœuvre, dès qu’il lui devient manifeste que le navire qui doit s’écarter de sa route ne prend pas les mesures appropriées pour se conformer aux présentes Règles.

(b) Quand, pour une cause quelconque, le navire qui doit maintenir son cap et sa vitesse se trouve si près que l’abordage ne peut être évité par la seule manœuvre du navire qui doit laisser la route libre, il doit de son côté prendre les mesures qui aideront le mieux à éviter l’abordage.

(c) Un navire à propulsion mécanique qui prend des mesures dans une situation de croisement conformément au sous-alinéa (a)(ii) de la présente Règle pour éviter un abordage avec un autre navire à propulsion mécanique ne doit pas, si les circonstances le permettent, modifier son cap vers bâbord lorsque l’autre navire se trouve sur son propre côté bâbord.

(d) La présente Règle ne dispense pas le navire qui doit laisser la route libre de son obligation de s’écarter.

Article 14 des règles de course à la voile

Un bateau doit éviter le contact avec un autre bateau si cela est raisonnablement possible. Cependant, un bateau prioritaire ou ayant droit à de la place ou de la place à la marque :

(a) n’a pas besoin d’agir pour éviter le contact tant qu’il n’est pas clair que l’autre bateau ne s’écarte pas ou ne donne pas de place ou de place à la marque, et
(b) ne sera pas pénalisé sous cette règle à moins qu’il n’y ait un contact qui cause des dommages ou des blessures.

Cependant, les juges ont estimé que le délai très court entre l’observation (l’action nécessaire pour éviter la collision) et la collision (60 secondes), ainsi que la différence de manœuvrabilité et de taille entre les deux navires, ont engendré une limitation de la responsabilité du navire prioritaire à seulement 20 %.

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